ARTICLES PHILOSOPHIQUES

Depuis que je suis tout petit, j'écoute le soir sur France Inter une émission intitulée « le téléphone sonne»., une émission qui nous explique que, quand bien même on parle de courant alternatif, il n'est pas judicieux de remettre ses doigts dans la prise pour annuler une électrocution.

Le téléphone sonne … Et bien répondons justement.

Personnellement,le titre m'énerve. Outre le fait que je ne vois pas ce qu'un téléphone pourrait faire d'autre,je me dit que si le téléphone sonne ,il y a quelqu'un qui appelle.Et c'est qui ce quelqu'un?… Non, ne me dites pas que… tous les auditeurs?… Même pas un mini-tri au standard ?

Et si personne n'appelle,l'émission est renommée comment?,le téléphone va peut être sonner? ou encore ;Est ce que le téléphone est bien raccroché?

Allo  0145247000,j'écoute.

" Bonsoir,aujourd'hui, on parle des ronds-points. Ces ronds-points qui envahissent nos villes et qui défigurent nos routes départementales. Alors, chers auditeurs, comme d'habitude vous devez avoir d'innombrables autant que judicieuses remarques. Composez tout de suite le numéro du standard et faites-nous profiter de vos riches réflexions sans plus attendre… Alors, à mes côtés, j'ai le Président de AFURP, l'association française des usagers des ronds-points, qui apportera tous les éclaircissements sur ce sujet. "

Alors, ensuite, des gens appellent… Si !… Je crois que, telle qu'a été conçue l'émission, les interventions téléphoniques devaient être des questions, auxquelles l'invité  répondait avec la satisfaction assurée de quelque leader syndical fier de son action au sein de la " fédé ". En fait, les auditeurs ne sont pas toujours là pour poser des questions, ce sont les passionnés qui appellent. Ils entendent exposer leur thèse. Et se la faire valider par l'expert présent dans le studio par un vague " ce monsieur a tout à fait raison " ou " c'est très intéressant ce que dit votre auditrice ".

On assiste donc à une transition d'Alain BEDOUET,l'animateur  historique de l'émission avant que l'expert ne s'exprime, transition destinée à transformer une remarque navrante en question judicieuse. Et là, je dois avouer que Alain  se débrouille plutôt bien dans la traduction simultanée du " bah moi, je voudrais dire que c'est pas pratique parce que sur la D642, j'ai froissé l'aile de ma Clio à cause du camion " de l'auditrice en " le problème que soulève cette dame, c'est celui de la sécurité sur les routes. Alors, au fond, est-ce que la présence de ronds-points diminue le nombre d'accidents de la route ? ".

Et là, vous constatez qu'il tend une perche fabuleuse à l'invité sur le plateau qui salive déjà à l'idée de briller par la fulgurance de sa réponse : " je répondrai à cette dame que le nombre d'accidents n'a pas diminué, effectivement, il a même plutôt eu tendance à augmenter. En revanche le nombre d'accidents corporels, lui, a fortement chuté donc les ronds-points sont, de ce point de vue là, une bonne chose. " Et là, on est tous sciés. Le spécialiste a introduit pêle-mêle dans son propos : un paradoxe, un deuxième niveau d'analyse, une conclusion nuancée, une hiérarchisation de nos préoccupations en matière de ronds-points, et enfin une locution qui tend à nous faire penser qu'il y a d'autres questions tout aussi épineuses qui tournent autour des ronds-points !

Bon ensuite, Alain retraduit pour nos amis les bêtes : " oui, au fond ce que vous dites, c'est que quand on a un accident sur un rond-point, on casse un clignotant ou on crève un pneu alors qu'à une intersection classique, ça peut être beaucoup plus grave malheureusement ".)

Invariablement, quel que soit le thème de l'émission, il y a toujours un moment vers la fin où Alain nous déclare, info ou intox ?, qu'il y a beaucoup d'appels au standard et qu'il ne peut pas tous les passer, aussi entreprend-il de les résumer en une phrase. Alors outre le sentiment qu'il aurait pu nous épargner et faire de même avec tout le reste de l'émission, je me demande toujours comment il est possible que les gens appellent réellement. Et en masse. Que se passe-t-il donc dans leurs têtes ?… " Ah non, les ronds-points, c'est trop important, La France doit savoir ce que j'ai à dire là-dessus "… Et la pauvre petite nana du standard, qui vient d'arriver. Elle se dit qu'elle est en retard mais qu'elle aimerait bien se faire  un petit thé avant de prendre son service. Et puis, c'est l'explosion, elle doit se débattre entre les " si vous ne me passez pas, je boycote la station " ,les  " mon fils a eu un accident dans une course de vélo à cause d'un rond-point alors si on me refuse de m'exprimer, il y aura des suites ! "ou encore "si vous ne prenez pas mon appel,j'appelle toute la nuit pour vous empêcher de dormir".

Il est 19h58 et on apprend que demain, toutes les " mamans " devront être très attentives parce qu'on parlera des tétines de biberons.